Retraites :
non à une réforme injuste, injustifiée et brutale
Président de la CFE-CGC, François
Hommeril dénonce un projet gouvernemental de réforme des retraites inacceptable
et appelle à une large mobilisation intersyndicale le jeudi 19 janvier.
Sitôt la présentation
faite le 11 janvier par le gouvernement de son projet de réforme des retraites,
les organisations syndicales ont unanimement appelé à une journée de
mobilisation nationale le jeudi 19 janvier. Pour quelles raisons ?
C’est le dernier recours auquel l’exécutif nous a poussés. Son
argumentaire ne tient pas la route. Le système de retraites par répartition
n’est pas en danger et rien ne justifie une réforme aussi brutale
qu’inacceptable. Le gouvernement veut effectuer un transfert du système de
retraite du privé vers le budget de l’État, ce dernier diminuant ainsi son
engagement à verser des pensions aux agents de la fonction publique. C’est une
augmentation de l’impôt des salariés et un tour de passe-passe : en
voulant les faire travailler plus longtemps, l’État va capter ces ressources
pour financer des projets de politique publique qui ne sont pas du ressort du
régime de retraite. Dans le même temps, l’exécutif va baisser de 8 milliards
d’euros la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), sans débat
ni discernement sur la conditionnalité et le ciblage du dispositif. Ces mêmes
entreprises qui affichent des résultats record après deux années d’aides
massives de l’État. Tout ceci n’est pas acceptable.
Le texte prévoit que l'âge légal de départ en retraite serait
relevé de 62 à 64 ans, au rythme de 3 mois par an d’ici 2030. Quels seraient
les impacts ?
C’est une mesure injuste,
injustifiée et inquiétante. Elle aura pour conséquence immédiate de faire
monter le niveau des réserves des régimes complémentaires de l’Agirc-Arrco.
Encore une fois, l’objectif gouvernemental est de capter tout ou partie de ces
réserves pour se désengager de ses obligations vis-à-vis du versement des
pensions aux fonctionnaires.
Plus largement, cette réforme va frapper de plein fouet
l’ensemble des salariés dont les populations de l’encadrement. Je pense en
particulier aux millions de femmes qui sont entrées sur le marché du travail à
22 ans, qui sont devenues mères de famille et qui avaient jusqu’à aujourd’hui
la possibilité de partir en retraite à 62 ans en dépit des interruptions de
carrière. Demain, elles ne le pourront plus. Tout le monde va être
impacté : le salarié qui a débuté sa carrière à 18 ans et qui est devenu
manager dans la restauration collective, l’ouvrier promu agent de maîtrise à 35
ans dans la métallurgie, le technicien qui est passé cadre dans la banque, etc.
Pour beaucoup de salariés, cette réforme est une grande injustice : deux
ans de plus à travailler, cela pèse énormément à l’aune des indicateurs
d’espérance de vie en bonne santé. Avec cette réforme, le temps passé en
retraite, qui diminue déjà depuis le milieu des années 2010, va continuer de
baisser et encore plus vite.
« La priorité est de travailler sur l’emploi des
seniors »
La concertation menée avec les
partenaires sociaux n’a-t-elle été que factice ?
On n’a pas senti le ministère du Travail très motivé à nous
écouter. Avec la Première ministre, les échanges ont été de meilleure tenue et
n’ont pas été inutiles. Cela nous a permis de faire valoir nos propositions et
d’ouvrir des dossiers - les fins de carrière, la prise en compte de la santé
psychique et des risques psychosociaux - sur lesquels il faudra continuer de
travailler avec pragmatisme et responsabilité.
Nous avons dit au gouvernement
que la priorité était de travailler sur l’emploi des seniors à partir de 50, 55
ans, dans les entreprises. On ne pourra pas se contenter d’un simple index. Ce
n’est pas sérieux. La CFE-CGC a formulé 23 propositions détaillées visant à
développer un encadrement médical renforcé et des politiques de prévention de
l’usure professionnelle face à la fatigue voire aux souffrances générées par
certaines organisations du travail. Il faut aussi inciter les directions à
travailler, avec les partenaires sociaux, la question des métiers et la
valorisation des compétences des salariés dans la dernière partie de leur
carrière. Cela passe aussi par des moyens pour renforcer la formation, les
reconversions, et des accords - avec abondements financiers - permettant
progressivement de libérer du temps à l’approche de la retraite. Au passage,
nous avons fait observer au gouvernement que maintenir dans l’emploi
100 000 salariés seniors par an, un objectif tout à fait atteignable,
répond à la question posée sur les hypothétiques déficits futurs du régime de
retraite.
Selon Bercy, la réforme doit
permettre de dégager près de 18 milliards d'euros en 2030 pour financer
d’autres priorités (école, santé, transition écologique). Que
répondez-vous ?
C’est la preuve du mensonge et de
la cacophonie gouvernementale. D’un côté, une Première ministre qui jure que
pas un centime dégagé ira à autre chose que les retraites et, de l’autre, un
ministre des Finances qui explique sans rougir que ce qui devrait être financé
par la solidarité nationale, c’est à dire l’impôt, le sera en fait par les
années de travail supplémentaires des salariés. C’est vrai cependant que tous
les travailleurs qui vont travailler deux années de plus paieront deux année
d’impôts de plus… Pour un gouvernement qui clame sur tous les tons qu’aucun
avant lui n’avait tant baisser les impôts… C’est vrai pour les entreprises et
les gens fortunés mais absolument faux pour les salariés. Et c’est en plus un
braquage inacceptable !
La plupart des régimes spéciaux
existants (RATP, industries électriques et gazières, Banque de France) seront
mis en extinction. Quelle est l’analyse de la CFE-CGC ?
C’est une mesure populiste.
Chaque fois, c’est le même cinéma et la même communication pour faire
soi-disant œuvre de justice sociale. La vérité, c’est que les régimes spéciaux,
tels qu’ils ont existé en termes de structures financières et d’adossement à un
engagement de l’État, il n’en existe quasiment plus. À la SNCF, on n’embauche
plus au statut depuis 2020. C’est en voie de fermeture à la RATP avec le
processus en cours de filialisation. Quant aux salariés des IEG, ils sont déjà
adossés au régime général. Pour le reste, le gouvernement prendra ses
responsabilités.
« J’invite toutes les
structures CFE-CGC et nos collègues à se mobiliser le plus largement possible
le 19 janvier »
Comment la CFE-CGC et ses
structures vont-elles s’organiser pour le 19 janvier ?
L’ensemble des organisations
syndicales ont fait des analyses convergentes sur la nocivité de ce projet de
réforme et sur l’attitude brutale du gouvernement d’imposer unilatéralement le
décalage de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans, alors qu’il n’y a aucune
justification ni urgence à le faire. Cette unanimité syndicale est un bien
précieux. La CFE-CGC, vis-à-vis de ses adhérents et de l’ensemble des
populations que nous représentons, est partie prenante de cette mobilisation
nationale. J’invite toutes nos structures, nos adhérents, nos militants, nos
sympathisants et nos collègues de travail à se mobiliser le plus largement
possible, et à signer la pétition intersyndicale en ligne.
Les résultats des élections professionnelles dans la fonction publique ont
acté une nouvelle progression de la CFE-CGC, dans les trois versants (État,
territoriale et hospitalière). Un commentaire ?
La Confédération s’est beaucoup
impliquée, avec notre Fédération des services publics, dans cette campagne. Il
est désormais important de continuer ce travail de terrain et d’implantation
syndicale car, malgré notre progression, les résultats sont encore loin de la
place que mérite la CFE-CGC pour représenter les agents et défendre nos
services publics dont la situation est très préoccupante, en particulier à
l’hôpital, dans l’Éducation nationale et certains grands corps de l’État.
« Continuer d’accompagner,
d’outiller et de former nos militants pour les aider sur le terrain »
2023 marque, dans les
entreprises, le renouvellement de dizaines de milliers de comités sociaux et
économiques (CSE), dont la première mandature arrive à terme. Quel est votre
message aux militants CFE-CGC ?
Ce sont autant de rendez-vous
électoraux cruciaux. Grâce à l’action de nos équipes militantes et de nos
sections syndicales vis-à-vis des salariés et des directions, nous espérons
voir la CFE-CGC poursuivre la progression qui est la sienne depuis dix ans. La
Confédération va continuer d’accompagner, d’outiller et de former nos militants
pour les aider sur le terrain. C’est d’autant plus nécessaire que la mise en
place des CSE a affaibli les moyens des élus du personnel, et complexifié leurs
missions. Il faut aussi amplifier, avec nos unions territoriales, le
développement syndical dans les entreprises où la CFE-CGC n’est pas encore
implantée.
Le prochain Congrès de la CFE-CGC
se tiendra les 22 et 23 mars à Tours. Serez-vous candidat à un troisième
mandat ?
Oui, c’est une fierté et un grand
honneur de pouvoir confirmer que je serai en effet candidat pour continuer à
diriger une organisation syndicale qui prend chaque jour un peu plus de place
dans les entreprises et le monde du travail, au service des salariés.
Pour signer la pétition intersyndicale en ligne
Pour visualiser
la carte de France des mobilisations du 19 janvier
Plus d’infos à retrouver sur le site internet de la
CFE-CGC